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Le journal de Geneviève Latour
27 septembre 2015

Jean-Luc Coby

Jean - Luc Coby

 

De connivence avec le ciel,  mes parents ne m ‘avaient pas accordé de frère, et j’aurais tant aimé en avoir  au moins un

 

J’appris bientôt que ce que l’on désire très fortement se réalise. Ma camarade de classe , Colette   connaissait un garçon de notre âge, Jean-Luc. Je le retrouvais, tout d’abord  à la messe du dimanche, puis habitant très proches  l’un de l’autre , comme par hasard,  nous nous rencontrions dans la rue, puis,  soi-disant , pour préparer nos devoirs respectifs de latin , il était plus pratique que j’aille  travailler chez lui . Ce fut assez facile, car ma mère connaissait son père qu’elle trouvait particulièrement   ‘’’courtois et bien élevé’’

 

Un jour  Jean-Luc vint me chercher à la sortie du lycée Camille Sée. La surveillante générale, Madame Horace , voyant ce garçon devant la porte, lui demanda  sévèrement ce qu’il faisait là. Sans se troubler le moins du monde , il lui répondit : « Je viens chercher ma sœur » C’était si simple… Ce fut  ainsi que, palliant la carence  du ciel et de mes parents,   Jean-Luc devint un frère et le restera jusqu’à sa mort.

 

Le père de Jean-Luc  était Haïtien. Jeune homme, il avait quitté son île en 1914 pour venir combattre en France. Puis, à l’Armistice,  ayant  rencontré une ravissante  rousse de dix-neuf ans,   il l’avait épousée et Jean-Luc était né.  Métis,  l’enfant ressemblait à la fois à son père par son teint basané, ses cheveux noirs tout  bouclés , ses yeux qui riboulaient, son rire  aux dents éclatantes et à sa mère par son nez fin et sa bouche délicatement ourlée.

 

En  1943, nous vivions une période très troublée. Paris était occupé depuis deux ans et demi par une troupe  allemande que menaçaient en ville certains résistants. Parfois,  un ressortissant de la Wehrmacht était poignardé par derrière à  sa sortie du métro…La sanction ne se faisait pas attendre. Un soldat tué, dix prisonniers juifs ou communistes, étaient massacrés, sans merci. Des affiches ,apposées sur murs de la capitale , en informait la population.  L’ambiance était de plus en plus  fiévreuse et l’ Allemand nous apparaissait de plus en plus haïssable . Quand on abordait le sujet,  Jean-Luc , l’exubérance même,  restait de marbre et ne prenait pas part à la conversation. Je m’inquiétais auprès de lui : «  Tu n’en n’as pas assez  de ces boches ? »  . Sa réponse fut inattendue: «  Si l’un des Allemands était né quelques kilomètres en avant du Rhin, il serait Français et peut-être notre meilleur ami… »  Quelle évidence ! quelle lucidité !  lui  qui n’avait que dix-sept ans et qui  dans la vie,  paraissait tout fou ! Je n’ai plus jamais oublié  sa phrase  . En effet,   qui pouvait décider de sa naissance ?  Qui pouvait se targuer d’avoir choisi sa position  dans la vie ?  Qui ? Qui ? Qui ?  Personne !  Jean-Luc, ce jour-là,  me laissa le plus beau cadeau qu’il pouvait m’offrir : la TOLERANCE. Qu’un homme  naisse avec la peau  blanche, la peau  noire , ou la peau jaune, il  est de la même race que moi, que tous les autres. J’avais  bien compris…

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